La ProA Basket: Vers un championnat... américain ?

Publié le par Jean-Philippe Chognot

    La Pro A accueille de plus en plus d’américains et ce processus ne semble pas prêt à s’inverser. La mondialisation a-t-elle supplanté l’exception française même dans le basket ?

    Attention ! Envahisseurs !!! L’élite du basket en France subit de plein fouet, comme de nombreux secteurs, une forte américanisation. La ligue nationale de Basket Ball ne fait rien pour endiguer ce phénomène et y souscrit même volontiers. En effet, tous les nouveaux règlements de la ligue sur les nationalités vont nettement dans ce sens. Le passage à quatre états-uniens par équipe à l’intersaison 2005 a changé totalement la physionomie de notre championnat. La Pro A, dans sa configuration actuelle, ressemble plus à une succursale de la « grande ligue » qu’à un championnat domestique. Le « A » de Pro A serait-il devenu l’initiale de « Américain » ?

    Cette évolution s’est-elle faite totalement au détriment de nos joueurs nationaux ? Ce n’est pas si évident que cela.

La carte française, un atout ?

    A l’heure où certains clubs hexagonaux ne comptent que sur des joueurs majeurs américains, les joueurs français apportent une certaine garantie d’adaptation dont les clubs sont bien conscients. En effet, les quatre clubs « phares » du début de saison (Nancy, Roanne, Chalon-sur-Saône et Villeurbanne) sont également en tête au classement des équipes à forte influence tricolore. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si certaines grosses écuries ont mal démarré la saison. Les cas de Pau et Strasbourg, deux gros budgets du championnat, sont particulièrement représentatifs de ce phénomène. La très faible influence des joueurs français dans leur effectif n’est sans doute pas totalement étrangère à leur piètre début. Les coachs de ces deux équipes n’accordent respectivement que 31,3% et 33% du temps de jeu total à leurs français.

    Malgré cela, l’américanisation des effectifs devient la norme dans la plupart des équipes. La part du temps de jeu des américains (45,37%) dans le temps de jeu total sur l’ensemble de la Pro A a dépassé pour la première fois en 2006-2007 celle des français (40,18%). Le règlement de l’été 2005 évoqué plus tôt a fait passer le temps de jeu des américains de 24% sur la saison 2004-2005 à 42% en 2005-2006. Peut-on considérer un championnat où les joueurs nationaux jouent moins que les joueurs étrangers comme un championnat national ? La question mérite d’être posée.

Un phénomène, plusieurs causes.

    Mais le débarquement américain ne nuit-il qu’aux joueurs français ? Non, pas seulement. Sur les trente-six minutes de temps de jeu gagnées par les américains, seules neuf ont été soustraites aux tricolores, soit en moyenne le temps de jeu d’un joueur de fond de rotation. Ce sont en fait les « bosmans », joueurs ressortissants de pays ayant signé des accords avec l’union européenne, qui subissent davantage cette nouvelle donne. En effet, ils ont perdu vingt minutes de temps de jeu moyen entre juin et septembre 2005.

    En fait, le temps de jeu des français suit une baisse linéaire depuis une dizaine d’année et c’est ce phénomène qui semble le plus préoccupant. Ce serait profondément réducteur d’en limiter la cause à la seule loi de 2005 sur les quatre américains par équipe. On doit inévitablement y adjoindre les ouvertures successives des frontières accompagnant l’élargissement de la zone Europe, le changement de statut des « bosmans » en 1995 et celui des ressortissants des pays ayant signé des accords « cotonous » avec l’Europe en 2004. Avant la saison 1998-1999, les français représentaient approximativement 60% du temps de jeu soit trois postes sur cinq totalement tenus par eux. Il est loin le temps où toutes les équipes étaient moulées sur le même modèle avec deux « superstars » étrangères, le plus souvent américaines, entourées uniquement de joueurs français. La période prospère pour les jeunes pousses françaises connue dans les années 1980 est donc désormais irrémédiablement révolue…

Un handicap à l’échelle internationale.

    Le phénomène s’accompagne d’un autre, très préjudiciable pour l’équipe nationale : l’exil des meilleurs joueurs français vers les championnats étrangers (surtout vers la NBA et l’Espagne). Ce problème est récurent. Tous les ans, nous observons de nombreux départs de jeunes français prometteurs qui préfèrent souvent à notre bonne vieille Pro A les championnats européens que l’on pourrait qualifier de mineurs ou encore les deuxièmes divisions espagnoles ou italiennes bien plus rémunératrices. Les exemples ne manquent pas : en vrac, Luc Arthur Vebobe à Saragosse (LEB), Guillaume Yango à Sassari (Lega2), Cyril Akpomédah à Charleroi (Belgique), etc.

    Ceci est d’autant plus préjudiciable que, quand on observe la scène internationale, on s’aperçoit que les pays majeurs de la « planète Basket » sont ceux dont une bonne partie des joueurs dominants jouent encore dans leur championnat national. Les deux derniers vainqueurs de compétitions internationales majeures, l’Espagne championne du monde et la Grèce championne d’Europe, ont su garder leurs « stars » malgré les sirènes (et les dollars ?) extérieures. Les Navarro, Fernandez et autres Reyes foulent encore les parquets de la Liga espagnole et les autres « ninos de Oro » – Gasol, Calderon entre autres – n’ont quitté leur championnat que tardivement et après avoir été prophètes en leur pays.

    De même, de nombreux internationaux hellènes portent encore la tunique des deux clubs grecs légendaires : les « Reds » de l’Olimpiakos et les « Greens » du Panathinaikos. Six argentés jouent dans ces deux clubs : Vasilopoulos et Schortsianitis chez le premier cité et Hatzivrettas, Dikoudis, Tsartsaris et Diamantidis dans l’équipe au trèfle. Ce n’est ni plus ni moins que la moitié de l’équipe nationale. Cela fait réfléchir quand, en comparaison, Claude Bergeaud, le sélectionneur national de l’équipe de France, peine à aligner quatre joueurs évoluant en Pro A.

    Mais les clubs français ont-ils les moyens financiers d’en faire autant ? Probablement pas. Les budgets français plafonnant à 6M€ quand ce même chiffre est le budget moyen d’un club espagnol, il devient donc extrêmement difficile voire impossible de rivaliser. Ceci étant la dure réalité du marché, il est bien sûr très tentant d’engager un américain à la place d’un français quand il demande, à niveau équivalent , un salaire nettement plus bas : le basketteur américain serait-il en train de devenir le « plombier polonais » de la « balle au panier » ? L’avenir nous le dira…

Jean-Philippe Chognot

Cette Saison en Pro A:
La situation des différents clubs français est très hétéroclite:

- Le SLUC Nancy est l’équipe à plus grande coloration tricolore en accordant 56,2% du temps de jeu aux français de son équipe.
- Dans le trio de tête on trouve également l’ASVEL, 54,2%, et Gravelines, 50,3%. Ces deux équipes ont fait le choix de s’appuyer sur une “french team” en début de saison. Cependant, Villeurbanne a dû partiellement y renoncer à cause de nombreuses blessures de ses cadres hexagonaux (Foirest, Sy, Jeanneau) remplacés par des pigistes étrangers.
- Le cas de Roanne est particulier: son trio majeur - Dewarick Spencer, Aaron Harper et Marc Salyers - est américain et a un impact sur son équipe sans égal en pro A. Pourtant, son effectif est des plus francophones (49%).
- Le cas des promus est également remarquable: l’un - Orléans - a joué la carte française avec succès pendant que l’autre - Besançon - nage dans les bas-fonds du championnat en n’attribuant que 29,5% du temps de jeu aux joueurs français, soit le plus faible pourcentage de ProA.
- Enfin, les trois derniers champions de France - Pau, Strasbourg et Le Mans - leur accordent moins de 40% du temps de jeu.


Situation des autres championnats européens:
En Europe, les différents championnats sont plus ou moins hermétiques au débarquement étranger:

- Les premiers de la classe se trouvent à l’est: en Baltic Basketball League, ligue regroupant les meilleures équipes estoniennes, lettonnes et lithuaniennes, les joueurs nationaux sont ultra-majoritaires puisqu’ils s’approprient pas moins de 78% du temps de jeu.
- Toujours à l’est, en Adriatic Basketball League, composée des meilleurs clubs croates, serbes, slovènes, bosniaques et monténégrains, sur 100 minutes de jeu, 70 sont attribuées aux joueurs locaux.
- Mais ces deux ligues font figure d’exceptions; en effet, les championnats occidentaux, du fait de frontières plus ouvertes, sont passés depuis bien longtemps en dessous de la barre des 50%: c’est la cas en Liga ACB hibérique, 37%, et en Lega A1 italienne, 30%. Cependant, si ces deux championnats sont rudes pour les joueurs nationaux, les meilleurs d’entre eux évoluent encore dans leur pays.
- Enfin, le cancre se situe outre-rhin où les américains ont totalement investit les lieux, ne laissant aux allemands que 14% du temps de jeu.

Publié dans Basketball

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article