Candidats issus de l'immigration : diversité ou diversion ?

Publié le par Jean-Philippe Chognot

6242.jpgOn estime à plus de quinze millions le nombre de Français ayant au moins un parent ou un grand-parent immigré. Cela représente environ un quart de la population. Cette proportion est pourtant bien loin d’être atteinte parmi les élus, qu’ils soient députés, sénateurs ou encore maires. A l’occasion des élections municipales, beaucoup de partis politiques mettent en avant leurs candidats issus de l’immigration comme gage de diversité républicaine. Qu’en pensent les principaux intéressés ?

« On assiste aujourd’hui au dévoiement de la démocratie : la diversité est ancrée dans la population mais toujours pas dans la politique française », dénonce Adda Bekkouche, président d’honneur du Mouvement pour une citoyenneté active qui milite pour une meilleure représentation de la population française dans les institutions de l’Etat. Dans l’Hexagone, les Français issus de l’immigration sont de plus en plus nombreux. Pourtant, ils restent presqu’inexistants parmi les élus : députés, sénateurs, mais aussi maires. Pour y remédier, les partis politiques présentent des candidats « issus de la diversité » sur leurs listes pour les élections municipales des 9 et 16 mars 2008. Mais ces prétendants se considèrent-ils réellement comme des candidats de la diversité ?

« J’aimerais qu’on arrête de mettre en avant la diversité. On l’instrumentalise quand on veut faire diversion », accuse Alima Boumediene, qui se présente sur une liste de rassemblement de la Gauche à Argenteuil. Razzy Hammadi, tête de liste socialiste à Orly et secrétaire national du Parti socialiste (PS), va plus loin : « Je considère que ‘diversité’ est un mot raciste. Personne n’a jamais dit que Nicolas Sarkozy (d’origine hongroise, ndlr) représentait la diversité. On utilise ce mot uniquement pour les candidats issus de l’immigration non européenne. » Ce jeune homme politique de 28 ans préconise l’appellation « candidat issu de la réalité ».

 

Kamel Hamza : « Pas de chromosome de gauche »

Marie-Thérèse Atallah n’adhère pas à ce point de vue. « Je me bats pour la diversité dans sa complexité », assure-t-elle. Elue des Verts au Conseil de Paris, la Franco-Libanaise est sur la liste de son parti dans le 14e arrondissement de la capitale. Elle observe des évolutions positives : « Ça avance. Avant, on disait ‘issu de l’immigration’. Maintenant, on dit ‘issu de la diversité’. C’est déjà un progrès. » Kamel Hamza, candidat de la majorité présidentielle à la mairie de La Courneuve, est du même avis : « Ca ne me gêne pas qu’on dise que je suis issu de la diversité. Ça montre qu’on reconnait mes origines. »

Il remarque que ceux qui l’accusent de servir d’alibi à son parti sont également ceux qui lui reprochent d’être de droite. « Je suis devenu un alibi aux yeux de certaines personnes à partir du moment où j’ai pris ma carte à l’UMP (Union pour un mouvement populaire, ndlr). Pour beaucoup de monde, quand on est issu de l’immigration, on est forcément de gauche. Mais le chromosome de gauche, ça n’existe pas », ironise le Franco-Algérien « fier de l’être ».

A défaut d’avoir un chromosome de gauche, Hamou Bouakaz en a les convictions. Il est sur la liste PS dans le 20e arrondissement de Paris et voit les élections municipales sous un angle un peu différent : « On est dans une lutte contre la dictature de la norme. » Son origine maghrébine n’est pas sa seule « anormalité ». Il est en plus aveugle. « Je suis foncièrement anormal : je suis anormal dans ma cécité, dans mon origine, dans mes diplômes… Je compte faire entrer l’anormal au Conseil de Paris », prévient-il.

 

Un million de Français d’origine asiatique non représentés

De son côté, Félix Wu ne milite pas pour l’anormal, mais simplement pour ce qui pourrait paraître normal : que le million de Français d’origine asiatique sorte de l’anonymat. Candidat indépendant dans le 13e arrondissement de Paris, il s’insurge contre la situation actuelle : « Dans mon arrondissement, il y a 25 % d’Asiatiques, mais il n’y a jamais eu de membre de notre communauté au conseil municipal. » Le jeune restaurateur a eu du mal à faire accepter sa liste : « Les gens sont venus me dire que j’étais un candidat communautariste. J’ai même été obligé de changer mon affiche électorale pour montrer qu’il n’y avait pas que des Asiatiques sur ma liste », raconte-t-il.

Autre défenseur de la diversité, Nacer Kettane, directeur général des médias communautaires Beur FM et Beur TV, est en troisième position sur une liste indépendante dans le 20e arrondissement de la ville Lumière. Il met en garde tous les candidats issus de l’immigration contre une diversité édulcorée : « Il ne suffit pas de mettre des touches de couleur sur une liste. Une fois élu, il faut assumer ses origines. »

Jean-Philippe Chognot


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Publié dans France

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