La coopération, modèle pour l'intelligence économique

Publié le par Jean-Philippe Chognot

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Face à une concurrence toujours plus forte, les entreprises comme les Etats doivent désormais adapter leurs stratégies économiques. Dans ce contexte, l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) préconise de suivre le modèle de la coopération économique, qui privilégie au sein d’un même réseau les échanges de stratégies, de formations et d’outils. Le directeur de l’Intelligence économique, de l’innovation et des technologies de l’information et de la communication de l’ACFCI, Philippe Clerc, juge nécessaire de s’appuyer sur l’« arc francophone » comme réseau stratégique.

« Nous voulons réinventer l’Intelligence économique sur le modèle de la coopération internationale pour mieux se développer et rééquilibrer les relations de par le monde. » Tel est le message que veut transmettre l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) par la voix de Philippe Clerc, son directeur de l’Intelligence économique. Ainsi, l’organisme consulaire appelle de ses vœux des « échanges économiques stratégiques » entre les entreprises de pays différents afin de mieux se développer au cœur du modèle d’hyper-concurrence qui régit le monde. « Plus il y a de concurrence, plus le besoin de coopération est important », insiste-t-il.

Le concept de coopération économique défendu par les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) consiste à partager avec ses partenaires des formations et des outils leur permettant d’améliorer leur compétitivité. Il est inspiré du modèle suédois que Philippe Clerc décrit ainsi : « Les Suédois utilisent les méthodes et les outils d’Intelligence économique sur des pays émergents. Les Scandinaves mobilisent l’intelligence collective des diasporas de ces pays installées en Suède. » Cette notion d’intelligence collective est une force vive sur laquelle l’ACFCI tente de s’appuyer.

Par exemple : « Depuis quinze ans, des centaines d’étudiants indonésiens ont suivi des formations d’économie à Marseille et à Marne-la-Vallée en partenariat avec les Chambre de commerce et d’industrie franco-indonésiennes (IFCCI). De retour en Indonésie, ils nous aident à décrypter la complexité de ce pays aux 17 000 îles. Cela nous permet d’optimiser la compétitivité des entreprises implantées là-bas. » Autre partenariat de formation : les CCI ont mis en place une collaboration avec l’Ecole nationale d’administration (ENA) pour former des promotions venant des pays francophones aux techniques de l’Intelligence économique.

Plus généralement, Philippe Clerc estime que la France bénéficie d’un espace d’influence non négligeable qu’elle aurait tort de ne pas mettre à profit : la Francophonie. Il s’explique : « Face à la Grande-Bretagne et son Commonwealth, à la Chine et ses instituts Confucius, et face aux Etats-Unis, la France dispose du soutien de ‘l’arc francophone’ qui s’étend du Québec au Viêt-Nam en passant par l’Afrique occidentale. Notre pays doit à tout prix cultiver cette Francophonie en tant que réseau économique. » Ce sont ces pays, où l’on parle la même langue, qui peuvent permettre à l’hexagone d’asseoir son influence.

 

En Afrique, suivre l’exemple marocain

Parmi ces Etats, les pays africains constituent un pôle potentiel mais encore très peu ciblé en termes de coopération économique. Pourtant, l’exemple du Maroc semble prometteur selon les dires de Philippe Clerc : « Une expérience pilote a été menée. Celle-ci est née du travail des stratèges marocains. Après s’être ouvert au libre-échange, notamment avec les Etats-Unis, l’Europe et le Japon, le pays s’est retrouvé submergé par le mode de vie occidental. Afin de protéger sa culture, le pays s’est recentré sur un modèle de développement plus solidaire, plus coopératif et durable. »

Concrètement, dans la région marocaine de l’Oriental, les entreprises membres de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM) ont formé leurs élites à l’informatique, à l’Internet et aux télécommunications. Cela devrait permettre à terme une meilleure circulation du savoir. D’autres Etats africains semble prendre un chemin similaire : « Au Sénégal, le ministère des Finances a lancé récemment un appel d’offre sur ces questions d’influence économique. »

Si l’on en croit Philippe Clerc, l’ACFCI compte multiplier ses « laboratoires » sur le continent noir : « Le réseau des Chambres de commerce et d’industrie entre la France et l’Afrique est très fort depuis quarante ans. On devrait avoir des résultats prochainement. Lorsque l’on aura réalisé quelques prototypes de coopération économique dans ces pays, on pourra les transposer d’une nation à l’autre. Une fois que les communautés autochtones seront formées, elles pourront alors voler de leurs propres ailes. » Quoi qu’il en soit, l’Afrique n’aura pas attendu l’ACFCI pour s’initier à l’Intelligence économique. A l’origine du Forum Intelligence économique et Développement (FIED), SOPEL International, dirigé par le Sénégalais Amath Soumaré, en est un acteur historique.

Cependant, si l’idée de coopération économique paraît séduisante, elle n’est pas nouvelle. Déjà, dans les années 1980, des économistes avaient théorisé et conseillé l’application de ce concept. Celui-ci avait fait naître des espoirs en matière de développement chez de nombreux observateurs. Les résultats n’ont finalement pas été à la hauteur de ceux escomptés à l’époque. Mais Philippe Clerc fait preuve d’optimisme en rappelant les cas du Brésil et de l’Indonésie : « Après quinze ans de coopération avec ces pays, c’est seulement maintenant que nous avons des résultats. C’est dire le temps long qu’il faut pour monter des coopérations efficaces. »

 

Jean-Philippe Chognot



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